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Mes voyages
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30 novembre 2005

Beyrouth Jour 8 : Notre Dame du Liban

VENDREDI 18 NOVEMBRE : JOUR 8 – Notre Dame du Liban

Il est midi lorsque Milad fait irruption dans l'appartement avec toute la fougue et l'énergie qui le caractérisent, de toute évidence il prend véritablement plaisir à faire de nos réveils de purs moments de torture. Je le rejoins bientôt dans le salon tandis qu'Elsa lui sert un thé, Sultan pour sa part finit de se préparer dans la salle de bain.

Le débonnaire Milad me sert la main avec vigueur, ouvre grand les yeux et me lance avec un ton faussement vindicatif qu'il est levé depuis 5h du matin. Il a ainsi déjà eu tout le loisir de petit déjeuner, prier, emmener les enfants à l'école et même de travailler.

Nous voilà bientôt tous trois partis à bord du rutilant 4x4 vers une destination qui m'est encore inconnue. Nous n'avons en effet pas un instant parlé d'un programme particulier pour aujourd'hui mais je connais Milad, il a certainement une idée en tête. Nous nous enfonçons dans des quartiers que je n'avais pas encore exploré, je tente maladroitement de voler quelques clichés de divers monuments (mosquées, églises, cimetières) ou de bâtiments qui gardent des cicatrices de la guerre mais la conduite sportive de notre ami me garanti une série de photos plus ratées et floues les unes que les autres.

Nous empruntons bientôt les ruelles de plus en plus étroites d'un quartier vieillot sans charme. Nous gagnons enfin une impasse dans laquelle nous stationnons. Milad nous conduit alors dans un modeste établissement spécialisé en grillades. Nous traversons difficilement l'étroite pièce allongée en nous glissant entre les quelques clients qui encombrent   l'espace entre le mur et le comptoir réfrigéré qui propose divers légumes et viandes. Je ne m'attendais pas à ce que nous nous restaurions si tôt.

Milad nous guide rondement vers une ouverture au fond du petit commerce, au passage il salue chaleureusement les serveurs ainsi que diverses personnes qu'il semble connaître. Nous empruntons un petit escalier qui débouche sur une salle de restaurant rectangulaire, nous nous y installons.

Le lieu n'est pas très vaste mais n'en est pas moins charmant, j'ai un peu le sentiment de me trouver dans une gargote de luxe. Au fond de la petite salle, largement éclairée par une grande fenêtre coulissante, une tablée d'hommes en costume cravate devise bruyamment.

Milad nous a habitué à prendre les choses en main, il prend très à cœur son rôle d'hôte et de guide : il passe ainsi commande sans nous consulter. Il m'explique ensuite que le modeste établissement libano arménien est somme toute réputé, l'on mangerait ici selon lui les meilleures grillades de Beyrouth.

Un serveur pressé nous présente bientôt houmous, feuilles de vignes, caviar d'aubergines, samosas libanais, tabouleh (salade de persil et menthe fraîche, à ne pas confondre avec le taboulé tunisien que nous connaissons)   et autres plats parfumés qui en un rien de temps recouvrent la table. Le sentiment d'abondance est absolument extraordinaire… comment nous sera-t-il dieu possible d'ingérer à trois une telle quantité de nourriture ?!!

Je suis pour ma part particulièrement friand de houmous : quel bonheur que de plonger un morceau de pain libanais « pita » dans le bol de purée de pois chiches ! Deux ou trois des plats disposés tout au long de la table m'intriguent : ils sont plus grands que les autres et ont la particularité d'être recouverts de ces galettes tendres et plates de pain libanais. Milad, d'un coup de fourchette vif et précis soulève une de ces pitas qui protègent en fait de petits morceaux de viande grillée. Il m'encourage à manger vite de peur qu'ils ne refroidissent. Les morceaux délicatement choisis sont relevés par des épices diverses et variées, chaque bouchée laisse échapper des saveurs étonnantes et envoûtantes, le piment chauffe mes papilles avec bonheur sans pour autant brûler, les grillades d'agneau et de bœuf sont parfaitement tendres, elles fondent dans la bouche. Croyez moi sur parole, l'expérience culinaire est à ravir !  J 

Je suis par avance convaincu qu'une fois encore Milad va chercher à régler l'addition, il me faut donc mettre sur pied une stratégie pour le prendre de court : je prépare ainsi discrètement quelques billets, prêt à bondir sur l'addition lorsque celle-ci nous sera présentée. C'était sans compter sur le machiavélisme de notre ami libanais qui, prétextant un besoin de se rendre aux toilettes, avait déjà réglé l'intégralité de la note depuis déjà fort longtemps !!!

Nous reprenons place à bord du véhicule tout-terrain, Milad s'engage sur une voie rapide en direction du nord. Nous quittons Beyrouth et roulons ainsi une quinzaine de kilomètres vers une destination inconnue. A vrai dire je me garde bien d'en demander plus, je prends véritablement plaisir à me laisser ainsi guider et surprendre par notre guide. L'autoroute a été construite sur l'étroite bande côtière : sur notre gauche la Méditerranée s'étend à l'infini tandis que des reliefs albâtres et olive s'élèvent à main droite. La circulation est dense, notre chauffeur zigzague entre des Mercedes et autres BMW. Tout au long du parcours de nombreux panneaux publicitaires vantent en arabe, anglais et français les mérites de tel produit de beauté ou tel autre téléphone portable.

Nous approchons de la ville de Jounieh, je perçois au loin sur les sommets une étonnante construction de verre qui s'élève fièrement. Je demande à Milad de quoi il s'agit, il se retourne et me demande si je souhaite m'y rendre. L'étrange bâtiment me semble bien loin mais je suis en effet intrigué. Je comprends immédiatement au grand sourire satisfait de notre ami qu'il s'agit là depuis le début de notre destination.  

A mon plus grand étonnement nous ne nous engageons pas sur une interminable route de montagne, Milad stationne ici même dans un parking dans la ville de Jounieh. Visiblement excité il me demande alors si j'ai peur du vide. C'est alors que j'aperçois l'interminable câble de métal tiré jusqu'en haut du sommet : de petites cabines bulles multicolores, tels autant d'œufs de pâques, s'envolent vers les reliefs. « Téléphérique !!!» lance alors Milad dans un éclat de rire. Voilà une formidable surprise, je ne cache pas mon excitation.

La structure semble quelque peu vieillotte mais je ne suis pas inquiet pour autant. Nous prenons place dans une de ces amusantes petites cabines rondes : elles sont à tel point minuscules que Sultan et moi avons du mal à tenir côte à côté sur notre banc, l'imposant Milad nous fait face en occupant facilement tout son banc à lui seul, nos genoux touchent les siens et il nous est impossible de nous lever. Il me semble tout à fait être parti pour un tour de manège dans une fête foraine, il n'est pas vraiment concevable que les ludiques bulles vont véritablement nous mener au sommet de la montagne de Harissa.

Nous nous élevons pourtant rapidement vers le relief calcaire, étrangement les cabines passent dans un premier temps entre diverses tours d'habitation, il nous est aisément possible d'observer les gens dans l'intimité de leur appartement. Milad attire mon attention sur des sous-vêtements féminins fort sexy qui sèchent sur un balcon, il prétend que dans ces quartiers habitent un grand nombre de pulpeuses immigrées slaves qui n'hésitent pas à vendre leur charme pour gagner quelques dollars. Je me méfie cependant des élucubrations de notre ami libanais. Nous survolons bientôt de magnifiques pinèdes d'un vert intense et sombre, je commence à réaliser combien magnifique est la baie de Jounieh qui se dessine peu à peu sous nos yeux. Nous parvenons assez rapidement au terme de notre petite balade dans les airs, il nous faut à présent prendre un funiculaire pour accéder à notre destination finale.

Le sommet de la montagne de Harissa forme un plateau sur lequel s'élève, telle la proue d'un navire de béton et de verre, l'imposante église Notre Dame du Liban : une paroi de verre sans fin s'élève, longiligne et rectangulaire, elle n'est pas sans faire penser à un immense panneau solaire. L'architecture de béton blanc retombe tout en longueur à l'arrière de l'édifice comme le ferait une tenture. Mon imagination fertile m'emporte dans un univers de science fiction : l'étonnante bâtisse ne pourrait-elle pas être l'œuvre d'une civilisation avancée voire… extra terrestre ?!!  J

Le site, entièrement fermé par des grilles blanches, se présente un peu comme un parc d'attraction : ici et là il est possible de trouver des chapelles où se recueillir, un stand plus loin propose à la vente cierges et bougies, l'église -tel le château de la Belle au Bois dormant de Disneyland- en est le monument principal, le point d'orientation.

L'autre grande « attraction » à succès est la monumentale statue de la vierge posée sur un socle de pierre creux dans lequel a été construit un lieu de prière. Un étroit escalier monte tout autour du socle jusqu'aux pieds de la très Sainte. Notre Dame du Liban, d'un blanc immaculé et lumineux, semble nous sourire avec compassion, les bras écartés en signe de bienvenue dans le havre de paix de Harissa. D'ici la vue enchanteresse sur la baie de Jounieh s'offre au pèlerin et au curieux.

Déjà le soleil se fait bas sur l'horizon, Milad nous invite à redescendre à Junieh. Nous le suivons à contrecoeur. Une fois extraits de l'exiguë cabine de téléphérique nous visitons les rares boutiques de souvenirs réunies ici. Sultan achète une série de porte clés en bois de Cèdre sur lesquels il fait pyrograver le nom de divers amis en alphabets arabe et latin. J'en acquiers un aussi contre 6.000 livres libanaises.

Nous investissons ensuite la terrasse couverte d'un sombre et vide bar restaurant posé sur le bord de mer. Nous commandons du café, du jus de mangue ainsi que deux narguilés. Des employés spécifiques ont pour charge la préparation de la chicha : ils disposent le foyer à tabac parfumé qu'ils recouvrent d'aluminium. La couche d'aluminium est alors percée de nombreux petits trous, le porteur de chicha y dépose des bouts de charbon incandescents qu'il vient régulièrement renouveler à l'aide d'une pince (il transporte à cet effet un récipient métallique suspendu à une poignée, le réceptacle est rempli de braises). Ces employés spécifiques portent généralement une tenue égyptienne colorée ainsi qu'une coiffe rouge traditionnelle.

Milad cherche à m'impressionner en réclamamnt un titanesque modèle de chicha que je n'avais pas encore vu jusqu'ici. Sultan ne cache pas son écoeurement : avec une moue pour le moins expressive il demande à notre ami comment il parvient à fumer une telle chose. Habituellement le tabac fumé au narguilé est doux et parfumé (pomme, fruits rouges…), force est de constater que l'odeur dégagé par la fumée de ce « nabu chichadonosaure » est autrement plus désagréable. Milad lance avec son habituelle affabilité « Strong chicha only for strong men !!! » puis il me tend le large tuyau à embout. Après une courte hésitation je le porte à mes lèvres et j'aspire avec appréhension une bouffée de fumée au goût fort et âcre… pouah !!!  L   Très vite cependant le teint de Milad se fait cireux, le hardi libanais perd de sa superbe et interpelle un serveur afin qu'une chicha plus conventionnelle lui soit portée. La scène est des plus amusantes.

Il est 19h lorsque Milad nous dépose au pied de l'immeuble de Sultan, il fait déjà nuit depuis longtemps. Je le remercie chaleureusement pour sa gentillesse, une fois de plus grâce à lui la journée a été extrêmement intéressante.

Une petite surprise m'attend dans l'appartement : Milad, avec la complicité d'Elsa, y a fait porter un imposant paquet de fruits secs ainsi qu'une grande boîte métallique de pâtisseries libanaises ! Il s'agit là d'un petit souvenir à ramener en France, je pourrai de la sorte déguster les spécialités du pays en pensant à lui. Ce garçon est décidemment extraordinaire  J

Nous prenons un peu de repos dans le fumoir puis à 21h Sultan fait appeler le chauffeur pour nous rendre dans le quartier « Solidere » du centre ville. Nous y rejoignons Waleed, le jeune et maniéré ami de Sultan qui nous avait rendu visite quelques jours auparavant. Nous nous installons sur une terrasse de café où nous avons rendez vous avec Sari et Haithm. Sari est un Libanais de 32 ans avec qui Sultan était très ami lorsqu'il habitait à Washington. Ils se sont retrouvés hier par un extraordinaire hasard dans la boîte gay, ils n'avaient pas de nouvelles l'un de l'autre depuis près de dix ans ! Haithm pour sa part est un Stewart Jordanien aux yeux verts de 28 ans, il dégage une énergie et une joie de vivre tout à fait époustouflantes.

La petite assemblée est fort drôle et intéressante, nous nous amusons beaucoup. Bientôt un garçon zélé et pressé nous présente une monumentale corbeille de fruits : pommes, mangues, raisin, bananes, mandarines, ananas, kakis… tous plus colorés et appétissants les uns que les autres. Nous piochons sans hésiter une seconde dans la fabuleuse corne d'abondance lorsque Sultan réagit tout à coup : mais qui a commandé ces fruits ? Nous nous regardons les uns les autres, force est de constater qu'il s'agit soit d'une erreur soit d'une tentative de nous pousser à la consommation. Sultan est furieux, il s'en prend avec vigueur au serveur qui refuse de reconnaître son erreur. Notre ami jordanien préfère éviter tout scandale et se propose de prendre les fruits à sa charge. Le serveur, visiblement soulagé, disparaît aussitôt.

La tablée continue à discuter et deviser en arabe, je prends pour ma part plaisir à observer les passants. C'est ainsi que je croise le regard d'un très charmant jeune homme qui s'arrête tout à coup pour me sourire. Rougissant tout à coup, je détourne prestement le regard. Me voyant ainsi embarrassé et accompagné d'amis, il prend l'initiative de s'éloigner et de s'effacer dans le renforcement des arcades. Il fait cependant en sorte de rester suffisamment visible et me fait des signes discrets afin que je le rejoigne. Je tente d'ignorer le bellâtre sans pour autant vraiment y parvenir et pour le coup mon embarras est loin d'être feint. Il restera ainsi tapi longuement, cherchant sans cesse à capter mon regard. N'arrivant pas à ses fins il finit par disparaître… pour réapparaître dix minutes plus tard ! Il n'aura ainsi de cesse d'aller et venir durant une trentaine de minutes. Je finis par en parler à Sultan qui contre toute attente se montre très amusé par la situation.

Nous décidons bientôt d'investir la terrasse d'un restaurant fast-food, juste histoire de changer d'ambiance. Une fois installés Sultan me donne un coup de coude discret, je suis alors son regard.: mon prétendant nous a suivi et reste encore là à m'observer de loin, je n'en reviens pas !!! Il finira par lâcher prise.

Vers 23h nous prenons congé de Sari et Haithm tandis que le jeune Waleed prend place avec nous dans la Pajero de notre chauffeur. Nous nous arrêtons un instant à l'établissement de restauration rapide « Bliss House » que Sultan et moi apprécions tant : nous achetons plusieurs de ces fantastiques sandwiches de pain pita fourrés de viande épicée. Nous rentrons ainsi tous trois nous régaler à la maison.

Waleed finit par rentrer chez lui, nous nous couchons aux alentours de 2h30.


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