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Mes voyages
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21 novembre 2005

Liban... JOUR 3 !

DIMANCHE 13 NOVEMBRE

Après quelques onze heures de sommeil nous nous réveillons, il est 13h. Aujourd'hui Milad (rappelez-vous : l'ami libanais qui m'avait emmené tirer au pistolet le soir de mon arrivée) nous avait proposé une balade en-dehors de la ville, dans les montagnes. J'étais très excité par l'idée de découvrir d'autres facettes du Liban. Malheureusement celui-ci nous appelle pour nous expliquer que nous devons reporter l'escapade car la plupart des rues sont fermées à cause du grand Marathon de Beyrouth qui a lieu aujourd'hui. Je me rappelle alors en effet avoir vu la veille des bandes de plastique jaunes «  POLICE LINE – NO PARKING » accrochées un peu partout dans la ville, c'était ainsi pour l'organisation de l'évènement sportif.

Tant pis, de toute façon Sultan n'est toujours pas très en forme : la fièvre est tombée mais il se sent fébrile. Elsa a préparé de savoureux petits plats. Tout en me goinfrant (littéralement) je me dis qu'il est tout de même bien commode d'avoir ainsi quelqu'un à la maison qui te prépare les plats dont tu as envie, qui met la table, débarrasse, lave les couverts, fait ton ménage, ton lit et ta lessive… quel bonheur ! lol ! En plus Elsa est vraiment douce et agréable, c'est un vrai plaisir  J

Je regarde ensuite le journal télévisé sur TV5 dans le fumoir puis je sors dans le quartier que je connais encore bien peu. Cette fois je me détourne de la côte, je préfère m'enfoncer dans les quartiers plus périphériques munis de mon appareil photo. Autour de chez Sultan les immeubles sont –comme je le disais précédemment- très récents et ultra modernes, il y a de ci de là des terrains vagues sur lesquels seront construites des tours pour riches propriétaires. De nombreux bâtiments sont en construction, la ville –tel un immense gruyère- est criblée de chantiers.

En m'éloignant je pénètre dans des quartiers plus anciens, petit à petit la plupart des bâtiments qui s'offrent à l'objectif de mon appareil photo sont d'avant guerre, je n'avais pas vu jusque là cet aspect de Beyrouth qui finalement est peut être plus proche de la réalité. Il s'agit toujours d'immeubles de 10 ou 15 étages mais beaucoup plus vieillots, ce n'est pas sans rappeler certaines cités de nos banlieues. Tous les bâtiments à Beyrouth ont des balcons et je suis frappé par le fait que souvent ces balcons peuvent se « fermer » par de grands rideaux épais et imperméables. Le résultat est de très mauvais goût : imaginez des tours style années 60 sur lesquelles pendent d'immondes et grands rideaux sales aux couleurs délavées… c'est atroce !

Ces quartiers donnent une impression très glauque mais je ne me sens pas en insécurité pour autant : les Libanais me semblent très doux et quoi qu'il en soit les délits & crimes doivent être rares du fait de l'omniprésence de l'armée et de la police.

Autre détail impressionnant qui prouve que ces bâtiments ont connu la guerre : ils sont tous systématiquement recouverts d'impacts de balles ! C'est quelque chose qui rend soudainement ces années sombres très présentes et cela fait froid dans le dos. Certaines façades sont littéralement criblées d'impacts. Plus rarement l'on tombe sur des immeubles éventrés par des tirs d'armes lourdes.

Je mitraille à mon tour mais de façon plus pacifique : avec mon Pentax ! ;-)   Malgré tout, ma curiosité touristique ne semble pas plaire car bientôt j'entends au loin plusieurs voix interpeller avec autorité. Je poursuis mon chemin sans y prêter attention pensant que les invectives ne me sont certainement pas adressées. Les voix semblent alors prendre de la vigueur et se transforment en hurlements furieux. Oups… il serait peut être plus sage alors que je m'arrête. Je me retourne et aperçois en haut de la rue trois ou quatre soldats, fusils mitrailleurs à la main, postés devant le mur de béton d'une caserne sur laquelle un très grand drapeau libanais a été peint. Des barbelés coiffent le mur. Ils me font signe d'approcher en criant des mots en arabe. Afin de mettre en confiance les représentants des forces de l'ordre je m'exécute prestement et, une fois à leur niveau j'offre mon plus amical sourire et je lance un naïf «  hello ! ». Ces messieurs ne semblent pas aussi agressifs que je l'imaginais de prime à bord. Ils m'interrogent en arabe, je m'excuse de ne pas parler la langue du Prophète, ils me demandent alors en anglais ce que je fais avec mon appareil photo. Je leur explique que je suis un simple touriste français et que je me promène pour découvrir Beyrouth. Ils me demandent alors très cordialement de ne pas prendre de photos dans ce coin, ce n'est pas autorisé (j'imagine que c'est du fait de la présence de ce bâtiment militaire). Ils me remercient alors pour ma compréhension. L'un d'entre eux me demande d'ouvrir mon sac à dos, les autres sont soudainement très gênés par l'audace de leur collègue et visiblement lui font comprendre que c'est exagéré. J'ouvre pourtant sur le champ le sac, quasiment vide, pour leur montrer que je n'ai rien à cacher. Ils me remercient vivement et me laissent repartir en lançant chaleureusement « bienvenue au Liban ».

Un peu plus loin je tombe sur un bâtiment très abîmé par la guerre, j'aimerais le prendre en photo mais je suis encore en vue des soldats. Peu importe, un gros arbre me permet de me cacher d'eux et d'ainsi voler discrètement quelques clichés    ;-)

Le soleil est à présent très bas, la luminosité est belle. De ci de là, partout dans Beyrouth, l'on voit des affiches de Rafik Hariri et de son fils. Souvent des bandeaux noirs où le mot VERITE est écrit en immenses lettres blanches en anglais et en arabe sont accrochés sur les façades des immeubles. Rafik Hariri a été à deux reprises le Premier ministre du Liban et il était très opposé à la présence militaire et à l'ingérence de la Syrie dans son pays depuis la fin de la guerre. Il a été assassiné il y a quelques mois et une enquête de l'ONU démontre que le pouvoir syrien pourrait être à l'origine de l'attentat. Les Libanais sont descendus par milliers dans les rues pour réclamer la vérité sur ce meurtre, la réaction populaire et politique internationale a été telle que la Syrie pour la première fois a été contrainte de se désengager du Liban. Depuis Rafik Hariri est adoré telle une idole patriotique, comme le symbole de l'indépendance libanaise. J'ai oublié de préciser que le premier soir de mon arrivée Sultan m'a emmené voir la grande mosquée (absolument magnifique) toujours en construction près du quartier central. A l'extérieur de l'édifice religieux se trouve la dépouille mortelle de Rafik Hariri : des dizaines de couronnes de fleurs aux couleurs du pays sont disposées, des bougies brûlent, un immense drapeau au Cèdre est suspendu au dessus de tout cela telle une toile de tente qui protègerait la tombe sacrée. Un soldat se tient au garde à vous, un panneau lumineux rappelle que l'homme a été assassiné il y a 270 jours. Un petit peu plus loin sont disposés les cercueils des autres personnes qui ont aussi perdu la vie lors de l'attentat à la bombe. De partout des portraits de Rafik Hariri saluent sa mémoire.

Je poursuis ma promenade mais je n'ose pas vraiment prendre des photos, les gens ici ne sont pas véritablement habitués à voir des touristes et j'ai peur de les blesser à photographier ainsi des quartiers peu opulents. Je me laisse tout de même tenter par quelques clichés mais je réalise vite que mes craintes sont fondées et que je peux gêner certains habitants. Par exemple après avoir pris la photo d'une façade très glauque, sale, aux rideaux marrons et délavés, un vendeur –environ 25 ans, lunettes rondes cerclées de métal- a abandonné sa boutique pour s'approcher doucement de moi par derrière. Il se penche alors vers moi en fronçant les sourcils et me pose une question en arabe. Il me demande ensuite dans un mauvais anglais pourquoi je photographie ce bâtiment. Il parle lentement et calmement mais son regard est plein de méfiance, de toute évidence il n'apprécie pas du tout ma curiosité. J'hésite à jouer de nouveau le naïf touriste amical, la façade que je viens de prendre en photo n'a en effet pas le moindre attrait touristique. Une idée me traverse alors l'esprit : je souris en tentant de cacher tout signe de malaise et lui dis « I am a French artist, I'd like to make a painting about Beirut and I'm looking for ideas and colours ». D'un geste large je lui montre la façade hideuse et lui confie le plus sérieusement du monde « the colours of this building inspired me, this brown is amazing! Sorry, I didn't want to bother you ». Il balbutie quelques mots avec étonnement en acquiescant mais en fronçant toujours les sourcils, il semble à la fois soulagé et suspicieux. Je le salue en m'excusant encore et je m'éclipse sans demander mon reste.

Il fait bientôt nuit, je retourne donc à l'appartement retrouver Sultan et son frère Majid. Milad pour sa part nous rejoint un peu plus tard, il tient absolument à nous faire découvrir un restaurant français qu'il aime tout particulièrement et qui se situe dans le fameux quartier central et branché. Une fois là bas Milad commande pour nous quatre le même plat, selon lui la viande est fabuleuse. Le restaurant est classieux et contemporain, sur les murs de bois de grandes et anciennes affiches publicitaires françaises sont encadrées. Le serveur, tiré à quatre épingles, nous sert une viande de bœuf coupée en lamelles et présentées avec des frites et une sauce au beurre et herbes. La qualité de la viande est excellente mais la quantité fait défaut. En réalité une fois mon assiette terminée le serveur me présente une planche de bois et me sert à nouveau une quantité de viande similaire. Je vois à la moue de Sultan qu'il n'apprécie pas vraiment la finesse de l'étrange sauce et au grand désespoir de Milad il réclamera du ketchup. Ce n'est cependant pas le type d'établissement qui a ce genre de condiment en réserve. A la fin du repas Milad s'empare de l'addition, nous sommes ses invités. Nous protestons mais il ne veut rien entendre : au Liban le visiteur doit être gâté. C'est extrêmement gentil mais aussi généreux de sa part, ce repas lui a certainement coûté très cher ! Nous sommes repus mais en nous promenant dans les rues piétonnes nous succombons cependant à la tentation d'une glace Haagen Dasz. Mais une fois encore Milad nous prend de cours en réglant la note alors que lui-même n'en a pas mangé… sa gentillesse devient très embarrassante.

Milad nous conduit en 4x4 au Grand Café, nous aimons la grande terrasse de l'établissement et sa vue sur la mer. Nous fumons la chicha, Sultan me voit ainsi fumer pour la première fois et s'étonne. Nous nous séparons assez tôt car demain Milad vient nous chercher à 8h du matin pour enfin partir à la découverte des montagnes alentours. Il nous promet une journée entière de découvertes. Nous devrions nous coucher tôt mais Sultan a très envie de rendre visite à des amis à lui. J'hésite à l'accompagner, je me sens fatigué. Finalement je le suis, Milad et Majid nous déposent chez les connaissances en question.

Je suis immédiatement frappé par la beauté du garçon qui vient nous accueillir : peu grand mais musclé, peau halée, crâne tondu, yeux noirs expressifs et fabuleux sourire… ce garçon ressemble terriblement à Jean-Marc Barr en plus jeune et encore plus beau… waow !!! Il nous présente son copain (chez qui nous sommes) encore plus fabuleux avec sa chevelure noire ébène et sa barbe d'une semaine poivre et sel. D'autres amis, tous trentenaires, sont présents. Chacun des convives, filles et garçons, sont accueillants, agréables, souriants et … beaux !

L'appartement est fabuleux lui aussi : très grand il peut accueillir deux coins salon séparés avec tables basses et canapés. Une grande table est posée à l'autre extrémité de la vaste pièce. Le mobilier est contemporain, tout comme les luminaires et les objets de décoration. C'est tout à fait le type de logement dans lequel j'adorerais vivre. De ci de la sont disposées de grandes photos noir & blanc du locataire du lieu : il pose la plupart du temps torse nu, les photos sont clairement professionnelles, notre hôte doit être modèle. Je ne peux pas m'empêcher de les regarder, ce garçon est à tomber !!!

L'on m'offre une vodka orange. Je suis étonné par le fait que tout le monde discute en mélangeant avec une aisance déstabilisante l'arabe, l'anglais et le français. Notre hôte s'adresse à moi en anglais mais parle à son chien (magnifique et gigantesque chien élancé à poil ras et gris bleu) en français… ça sonne très chic. Je suis flatté que les convives fassent cet effort de parler d'autres langues afin que je comprenne leurs conversations. Mais en même temps les trois langues sont très imbriquées, beaucoup de mots restent en arabe et il m'est difficile de suivre.

Je nourris une conversation passionnante avec une fille qui s'étonne car elle me pensais libanais. Nous nous retrouvons sur le fait qu'il est important de s'ouvrir au monde afin de mieux le comprendre, elle reproche aux Français le fait de rester plutôt fermés sur leur propre pays et de finalement bien peu connaître les autres cultures, d'avoir plutôt de celles ci des idées préconçues et d'alimenter de la sorte des fantasmes. Du fait de la guerre au Liban elle a vécu son enfance en France et une autre partie de sa vie en Arabie saoudite… ce sont là deux mondes très différents qui n'ont que des préjugés l'un sur l'autre. Au final son ouverture d'esprit à elle est très grande. Elle me demande concernant le Liban «  combien de personnes en France par exemple savent situer Beyrouth sur une carte ? Beaucoup ne savent même pas que c'est au Liban ! ». Elle n'a pas tort.

Je réalise que les autres, à l'autre bout de la pièce continuent à converser en arabe, répondant en français ou réagissant en anglais. Je ne comprends pas vraiment pourquoi ils continuent cet effort de langage alors que je suis loin d'eux. C'est au moment du départ que je comprendrai : Sultan et moi saluons la petite équipe et l'un d'eux me pose une question en arabe. Je lui réponds que je ne parle pas arabe et c'est tout à coup la stupeur générale : «  you are not Lebanese ??? ». Amusé je leur explique qu'en effet je ne suis pas libanais mais français et que je vis à Paris. Etrangement au lieu de me parler français c'est l'anglais qui prend le dessus, ils cherchent à savoir si je suis un vrai français de France, je leur parle de mes origines russes et espagnoles mais je promets que je ne suis pas arabe le moins du monde. Ils sont très étonnés. En fait s'ils parlaient ainsi plusieurs langues à la fois ce n'était pas pour être agréable à leur hôte français mais par pure habitude : ce sont trois langues très parlées au Liban et il est naturel dans les milieux aisés de les mélanger. Jusque là je leur avait parlé en français et en anglais, c'était pour eux tout à fait naturel pour le Libanais que j'étais à leurs yeux et il n'ont simplement pas réalisé qu'à aucun moment je n'avais parlé arabe.

Certains d'entre eux partent à présent en boîte. Sultan hésite à les suivre mais il est plus raisonnable de rentrer : nous sommes censés nous lever à 8h demain ! Je me coucherai vers 1h30, laissant Sultan fumer la chicha devant la télé.


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bIZ! - KF

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